Gouvernance et démocratie

Gouvernance et démocratie

A la fin des années  «80», est apparue la notion de GOUVERNANCE, assortie d’un adjectif : « bonne », « juste ». En anglais, « Good Gouvernance » signifie alors, « bonne administration publique ». Elle est utilisée lorsque qu’un gouvernement sollicite une aide financière auprès d’une institution internationale. Elle suppose de gérer de façon correcte et équitable, les dépenses publiques en interdisant la corruption, de garantir le respect de la loi, d’assurer la sécurité des citoyens, de mettre en place des règles publiques obligeant les dirigeants politiques à rendre compte de leurs actions devant la population (accountability = imputabilité), d’assurer que l’information soit libre et accessible à tous les citoyens (transparence).

Le concept, ainsi que les critères qu’il décline, constituent un discours normatif imposé. Il est utilisé par toutes les agences internationales de coopération et tous les bailleurs de fonds, après la crise de la dette du Mexique en 1980 et celle des autres pays du Tiers-Monde. Pour la Banque Mondiale, la gouvernance recouvre les normes, traditions et institutions à travers lesquelles un pays exerce son autorité sur le bien commun. Dans ce contexte, la bonne gouvernance recouvre aussi bien la capacité du gouvernement à gérer efficacement ses ressources, à mettre en œuvre des politiques pertinentes, que le respect des citoyens et de l’État pour les institutions, ainsi que l’existence d’un contrôle démocratique sur les agents chargés de l’autorité (Banque Mondiale, 1999). En réalité, l’objectif était que les pays réunissent les conditions du remboursement de la dette due aux grands pays développés et aux institutions internationales.

Aujourd’hui, La Bonne Gouvernance est devenue à la fois, un moyen de signifier la légitimité du fonctionnement politique, les relations de l’administration avec le monde politique et les rapports entre eux, la société et le monde économique. Par conséquent, c’est une théorie de la régulation sociale qui concerne : (i) les institutions publiques, (ii) les organismes sociaux, (iii) les associations, que l’on appelle aussi administrations privées et (iv) les sociétés par actions. Elle est déclinée en gouvernance localegouvernance urbainegouvernance territorialegouvernance mondiale : c’est à dire qu’il n’y a pas qu’un seul modèle de gouvernance mais des « systèmes de gouvernance ».

Bien entendu, la bonne gouvernance a ses adversaires qui, dans le champ de la Science Politique parlent « théorie de la recomposition de l’État (Patrick Le Galès).

Si le critère essentiel d’une bonne gouvernance publique est que les mécanismes de fonctionnement des administrations soient organisés de façon à éviter que les intérêts des mandatés prennent le pas sur ceux de leurs mandants, si la gouvernance d’entreprise est l’ensemble des processus, réglementations, lois et institutions qui influent la manière dont l’entreprise est dirigée, administrée et contrôlée, si cette gouvernance inclut les actionnaires, la direction et le conseil d’administration, mais aussi les employés, les fournisseurs, les clients, les banques ou autres prêteurs, le voisinage, l’environnement et la communauté au sens large, alors la gouvernance, si le développement suppose les transformations des structures économiques, politiques, sociales et mentales qui rendent une population apte à accroître cumulativement et durablement son revenu réel, alors gouvernance et développement sont intimement liés.

C’est d’ailleurs la raison pour laquelle, les transformations de l’environnement économique aujourd’hui, doivent beaucoup au NEPAD et à sa philosophie fondée sur la prise en charge par l’Afrique elle-même de son propre développement en collaboration avec ses partenaires. Cinq ans après le lancement du NEPAD, la région est redevenue une priorité stratégique. La diplomatie internationale du Continent est réhabilitée. Elle est sollicitée et écoutée. Son potentiel énergétique est considérable (45 pays connaissent des prospections pétrolières). Son immense potentiel agricole fait l’objet d’un plan stratégique crédible. De 35 pays en guerre en 1995, notre Continent ne connaît plus que quatre foyers de tension (Côte d’Ivoire, Darfour, Ethiopie/Erythrée, Ouganda). Son renouveau est illustré par des associations et des ONG d’une vitalité interne et externe sans pareil. Sa population très jeune est de mieux en mieux formée. Enfin, nombres sont les pays où les libertés démocratiques ont été restaurées et maintenues sans aucun recours aux mécanismes sommaires du totalitarisme. Le principe de souveraineté nationale y appartient de plus en plus aux représentants des peuples ; La liberté et la pluralité des partis, à condition qu’ils respectent les principes de souveraineté nationale et de la démocratie, ne sont plus l’exception ; il est de plus en plus reconnu au pouvoir judiciaire de veiller au respect de la liberté individuelle. Elle retrouve une bonne santé économique et financière. L’activité économique progressé de plus de 5 pour cent depuis quatre ans. Malgré des difficultés persistantes pour certains pays, les perspectives sont plus favorables pour la plupart qu’elles ne l’avaient été depuis longtemps. Plusieurs facteurs sous-tendent ce redressement et pas uniquement l’expansion mondiale alimentée notamment par la hausse de la demande de produits de base et un relèvement de leurs cours. L’augmentation de l’aide, portée surtout par des allégements de dette et l’aide d’urgence est significative ; l’environnement macro-économique est l’amélioré et stabilisé.

De façon générale, la croissance a été dopée par la mise en exploitation de nouveaux gisements pétroliers en Afrique australe et centrale, la reprise de la production agricole après la sécheresse qui a sévi dans certains pays d’Afrique australe, centrale et orientale en 2003 et un certain recul de l’insécurité. L’invasion de criquets en 2004, en Afrique du Nord et de l’Ouest notamment, a eu un impact plus faible que prévu. L’inflation est tombée à des planchers historiques, malgré l’envolée des cours du pétrole. La balance commerciale et les finances publiques se sont améliorées dans de nombreux pays, surtout chez les pays exportateurs de pétrole et de minerai. Ces évolutions restent timides mais elles sont là. Ce qui est frappant, c’est que la croissance s’est généralisée et elle est aussi vigoureuse dans les pays importateurs de pétrole.

Pourquoi une bonne gouvernance publique est primordiale ? Parce qu’il n’existe pas dans l’histoire humaine, au niveau national, d’initiatives privées volontaires qui protègent de façon complète les droits des travailleurs en l’absence d’un cadre de base imposé par le gouvernement et les syndicats, sous le contrôle de leurs membres. Il n’y pas non plus d’exemple d’amélioration de l’environnement sans réglementation. Enfin il n’existe pas de secteur privé fort là où le secteur public est structurellement défaillant. En d’autres terme, un gouvernement démocratique, honnête, équitable et efficace est une condition nécessaire pour le développement et les lois et règlement essentiels pour la compétitivité des entreprises sur les marchés locaux.

Malheureusement il arrive que la gouvernance nationale connaisse des échecs comme en Europe et aux USA avec les scandales Ahold, Enron et WorldCom qui ont fait de la gouvernance des entreprises une question internationale. Depuis, le débat sur la Responsabilité Sociale des Entreprises (RSE), Corporate Social Responsability (CSR) prend de plus en plus de l’importance. Selon ce vocable, l’entreprise ne doit plus rechercher le profit maximum seulement, mais elle doit aussi prendre en compte dans son fonctionnement l’intérêt des « parties prenantes que nous avons évoqué (actionnaires, salariés, ONG, éventuellement, la société toute entière et les générations futures.

Voici quelques unes des déviations qui ont été à la base des scandales :

  • une explosion de la rémunération des dirigeants d’entreprise en particulier de leur partie variable adossée à des stock-options ;
  • l’introduction de nouveaux instruments financiers et de nouvelles techniques comptables qui (pour simplifier à l’extrême) permettant de ne pas comptabiliser ou de ne pas montrer l’étendue réelle de l’endettement au bilan de l’entreprise ;
  • une déréglementation, en particulier dans le secteur bancaire, qui en assouplissant les règles ont affaiblit les mécanismes institutionnels de contrôle ;
  • un certain relâchement dans l’éthique des classes dirigeantes et ;
  • un cynisme ambiant (des analystes financiers de banques d’investissement de renom vantant au public les qualités d’actions qu’ils jugent en interne pourries) ;

La tentation était alors grande d’utiliser ses propres intérêts privés, les nouveaux instruments financiers et les nouvelles techniques pour que résultats de la société soient améliorés, le cours de bourse hausser et les stock-options d’autant plus rémunérateurs.

C’est dans ce contexte que le système des Nations Unies et certaines organisations internationales ont élaboré des documents de stratégie à cet effet.  Le « Pacte global« , ou Global Compact, avec des multinationales pour l’ONU, pour l’Organisation internationale du travail (OIT) et l’OCDE ces sont les « lignes directrices » pour les multinationales), la Commission européenne, le « Livre vert« ), le gouvernement français, « la loi sur les « nouvelles régulations économiques« , les autorités britanniques en ont un et bien sûr les multinationales elles-mêmes (Corporate Social Responsability Europe, une fondation qui regroupe notamment British Telecom, IBM, Suez, France Telecom, Danone, Shell, Nike, etc., ou le World Business Council for Sustainable Development (WBCSD), qui rassemble 150 multinationales provenant de 30 pays (ATT, BP, Ford, GM, Shell, Monsanto, Unilever, etc.). En France, les confédérations syndicales françaises (hormis FO) créent un « Comité intersyndical de l’épargne salariale » pour orienter l’investissement de cette épargne vers des placements « socialement responsables ».

On peut se demander pourquoi les grandes entreprises s’engagent dans la RSE et le développement durable. Simplement parce que leur puissance dépend de leur image de marque qui, au sens capitalistique constitue un actif fondamental. Sa dégradation peut avoir des effets économiques considérables. C’est pourquoi elles sont les premières à tenter de construire une communication « éthique » en vue de désamorcer les risques de rejet par les consommateurs. Au USA, depuis les années 90, un courant de pensée en matière de management est né pour s’occuper d’ « éthique des affaires » car comme le dit l’adage « quand la réputation baisse, les ventes aussi baissent ». En effet, lorsque une entreprise a un bénéfice qui représente 4% du chiffre d’affaire, une baisse de 1% des ventes entraîne une chute d‘un quart de ses bénéfices accompagné de la baisse du cours en Bourse de l’action.

En réalité les discussions autour de la « gouvernance de l’entreprise » ne sont rien d’autre qu’une discussion sur les moyens de l’influence politique de décideurs extérieurs à l’entreprise sur la conduite de l’entreprise. Et il se développe incontestablement une contestation politique de leur action qui n’est pas à mon sens, comme le pensait Milton Friedman, une remise en cause radicale du droit de propriété des actionnaires[1]. Au contraire, la dialectique instaurée entre cette contestation et la réponse des entreprises sur le champ de leur responsabilité sociale est d’une grande portée parce que « la dynamique du Capitalisme elle-même condamne de plus en plus les mécanismes du marché à jouer un rôle de plus en plus marginal ». Ce ne sont pas les propos d’un altermondialiste, mais de Joseph Schumpeter au début des années 50.

Mais, la RSE ne peut être un substitut à l’action des gouvernements. En d’autres termes, il ne s’agit pas de demander aux gouvernements d’abandonner leurs outils, leurs moyens de gouverner et d’influer sur l’économie. Un gouvernement démocratique, honnête et efficace est un pré-requis pour un développement durable.


[1] « Peu d’évolutions pourraient miner aussi profondément les fondations mêmes de notre société libre que l’acceptation par les dirigeants d’entreprise d’une responsabilité sociale autre que celle de faire le plus d’argent possible pour leurs actionnaires. C’est une doctrine fondamentalement subversive. Si les hommes d’affaires ont une responsabilité autre que celle du profit maximum pour les actionnaires, comment peuvent-ils savoir ce qu’elle est ? Des individus privés autodésignés peuvent-ils décider de ce qu’est l’intérêt de la société ? »  Milton Friedman, Capitalisme+ et Liberté (1962 ; éd. fr. Robert Laffont, 1971)

Commentaire fait à l’Assemblée Générale du MDES

Méridien Président, samedi 14 avril 2007-04-13

MEDS

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *